Depuis la libération de nos territoires [du Haut-Karabagh, ndlr] en 2020, tout ou partie des élus français du parti Les Républicains (LR) expriment une grande hostilité à l'égard de mon pays, l’Azerbaïdjan. Cent soixante-dix d’entre eux viennent ainsi de publier une tribune dans Le Figaro, « l’appel de la droite LR pour soutenir le Haut-Karabagh ». Parmi les signataires, Gérard Larcher, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, David Lisnard, Bruno Retailleau, Olivier Marleix, François-Xavier Bellamy et Eric Ciotti.
Nous regrettons cette hostilité, sans la comprendre, car les liens entre nos deux pays ont toujours été étroits — notamment avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, les derniers Présidents de la République issus de leurs rangs. Mais nous l’acceptons. A nos yeux, cette hostilité à l’Azerbaïdjan est d’abord dictée par le soutien à l’Arménie.
Au moment où nous avons une opportunité historique, pour la première fois depuis trente ans, de pouvoir aboutir à une paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ouvrant un nouveau chapitre vers le développement et la coopération dans toute la région, la prise de position de ces élus est, à mes yeux, incompréhensible.
Je ne veux évidemment pas croire que cette prise de position obéisse à des considérations électoralistes, mais je note que la position des élus LR s’éloignent de celle du gouvernement d’Arménie pour se rapprocher de celles des séparatistes arméniens ou d’une partie des organisations arméniennes en France.
« Au début des années 1990, la République d’Azerbaïdjan, qui venait de restaurer son indépendance, a été confrontée à une agression militaire sans précédent de la part de l’Arménie, à la suite de laquelle 20 % de son territoire internationalement reconnu a été occupé »
Contradiction. En effet, cet appel de LR est en contradiction totale avec la politique actuelle du gouvernement de l’Arménie. Le Premier ministre, Nikol Pachinian, a annoncé à plusieurs reprises, notamment lors du Sommet du Conseil de l’Europe de Reykjavik les 16-17 mai 2023, reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabakh. Cette position a été également réaffirmée par la déclaration du Président du Conseil européen, Charles Michel à l’issue de la réunion à Bruxelles le 14 mai dernier. Pour sortir des représentations erronées, afin de rassurer les signataires sur la volonté de l’Azerbaïdjan de construire une paix juste et durable, je leur propose de les rencontrer pour en débattre de vive voix. Leur format sera le nôtre.
Je souhaite rappeler qu’au début des années 1990, la République d’Azerbaïdjan, qui venait de restaurer son indépendance, a été confrontée à une agression militaire sans précédent de la part de l’Arménie, à la suite de laquelle 20 % du territoire internationalement reconnu comme appartenant à l’Azerbaïdjan a été occupé. L’intégrité territoriale et la souveraineté du pays ont été violées et environ un million d’Azerbaïdjanais, victimes d’une épuration ethnique menée par l’Arménie dans les territoires occupés de l’Azerbaïdjan, sont devenus des réfugiés et des personnes déplacées. En 1993, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté quatre résolutions, votées par la France, qui réaffirment l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh et exigent le retrait immédiat, complet et inconditionnel des forces d’occupation arméniennes de ses territoires souverains.
A la suite de la guerre de 44 jours, déclenchée en septembre 2020 après de nombreuses provocations militaires de la part des forces armées arméniennes, l’Azerbaïdjan a restauré la justice historique en défendant son territoire et sa population conformément à la Charte des Nations unies et en application des dispositions des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Malgré la destruction totale de ses territoires, après la fin de l’occupation, c’est l’Azerbaïdjan qui a tendu la main à l’Arménie en lui proposant de signer un traité de paix. Pour l’établissement d’une paix durable dans la région du Caucase du Sud, il est essentiel que l’Arménie respecte scrupuleusement les normes et les principes du droit international et remplisse de bonne foi les obligations qui lui incombent en vertu des accords internationaux.
La route de Latchine [qui relie la République d’Arménie au territoire enclavé du Karabagh, ndlr] fait partie du territoire souverain de la République d’Azerbaïdjan. En vertu de la Déclaration tripartite du 10 novembre 2020 signée par l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Russie, la route de Latchine est envisagée exclusivement à des fins humanitaires.
« La paix durable est une nécessité absolue pour l’avenir de tous les peuples de la région, y compris du peuple de l’Arménie »
Libre circulation. Or, cette route a été utilisée par l’Arménie à des fins militaires et commerciales illégales, notamment pour la rotation du personnel des forces armées qui continue d'être déployé illégalement sur le territoire de l’Azerbaïdjan et pour le transfert d’armes et de munitions. De plus, des ressortissants des pays tiers ont emprunté la route de Latchine pour entrer illégalement sur le territoire de la République d’Azerbaïdjan à des fins suspectes, telles que l’entraînement et le recrutement de terroristes.
La référence au prétendu « blocus » de la route de Latchine par l’Azerbaïdjan ne reflète absolument pas la réalité. La République d’Azerbaïdjan a établi un poste de contrôle à la frontière avec l’Arménie, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et qui est utilisé par les résidents azerbaïdjanais d’origine arménienne. La circulation libre et sécurisée dans les deux sens est assurée par la partie azerbaïdjanaise, comme en témoignent les nombreuses vidéos et photographies qui circulent dans les médias. A cet égard, dans son ordonnance du 22 février 2023, la Cour internationale de justice ne fait aucune référence au prétendu « blocus » allégué par la partie arménienne, ce qui prouve que cette fausse accusation est dénuée de tout fondement. Conformément à l’ordonnance de la Cour, l’Azerbaïdjan a établi un poste de contrôle sur son territoire national afin d’assurer la libre circulation des personnes, des véhicules et des marchandises le long de la route de Latchine dans les deux sens.
Enfin, les signataires de la tribune mentionnent la nécessité de soutenir un « poste avancé de la culture chrétienne ». A cet égard, nous voudrions rappeler que l’Azerbaïdjan est un pays laïc, multiconfessionnel et multiculturel. C’est un pays qui présente un modèle unique en son genre de vivre-ensemble, où les représentants des différentes ethnies, religions et cultures vivent en toute sérénité depuis des siècles. De même, l’Azerbaïdjan œuvre beaucoup par des actions concrètes pour contribuer au dialogue interreligieux et interculturel, notamment en contribuant à la préservation du patrimoine chrétien dans différents pays, y compris en France.
La paix durable est une nécessité absolue pour l’avenir de tous les peuples de la région, y compris du peuple de l’Arménie, et seul le respect du droit international et des engagements pris peut nous mener à cet objectif dont nous sommes si proches en ce moment historique.